Médicaments, herbes et attitude des pouvoirs publics
Intervention 1
L’attitude des pouvoirs publics et
notamment des responsables scientifiques en matière de médicaments
et surtout de produits naturels est très équivoque, mais ne dénote
pas nécessairement de la mauvaise volonté (ce qui ne veut pas
dire que celle-ci n’existerait pas).
Le système médico-pharmaceutique est basé
sur le concept de la molécule simple inerte, parfaitement stérile,
produite en usine et en principe contrôlée. Ce type de produit
cadre parfaitement dans le système scientifique actuel. Cette
familiarité avec la molécule simple cause d’ailleurs nombre
d’enregistrements intempestifs de produits hautement dangereux
et toxiques. Les dernières années un nombre croissant de médicaments
a été retiré du marché. Quand il s’agit de plantes,
l’attitude est en général assez négative. En effet la
science n’a pas encore trouvé le moyen de standardiser
parfaitement la plante entière. Celle-ci est faite non pas
d’une seule molécule, mais de plusieurs centaines, dont on
n’arrive jamais à définir ou à analyser l’intégralité.
Même si on connaît quelques molécules d’une plante, on
n’arrive jamais à très bien savoir quel sera l’effet de la
combinaison de ces quelques molécules. Alors imaginez ce que
cela signifie quand il y a des centaines de molécules dans une
seule plante ?
Personne n’arrive à la connaître, personne
n’arrive à la standardiser... c’est le défi fantastique
que lance la nature à l’homme et à la science. La réponse
de l’homme est assez pauvre : ce qu’il ne peut dominer, il
le rejette ou il le détruit. C’est d’ailleurs ce que nous
voyons arriver tous les jours. Voilà une des raisons de la méfiance
du système médical, pharmaceutique et donc politique vis à
vis des plantes.
Mais attention, pour une partie cette méfiance a aussi ses
bonnes raisons. Il est illusoire de croire qu’un produit est
bon et sans danger parce qu’il est un végétal. Pour un
amateur non averti, rien ne ressemble plus à des feuilles de
carotte sauvage que les feuilles de la... ciguë... un poison
violent et qui tue rapidement. Il arrive que des sociétés
commerciales, pressées de faire de grands bénéfices en se
basant sur la mode du naturel, lancent n’importe quelle plante
sur le marché... et risquent ainsi de causer des dégâts à la
santé publique. Donc on crée vite, vite, quelques règlements
pour museler la médecine par les plantes. Cela donne bonne
conscience aux autorités qui veulent contrôler l’utilisation
des plantes... mais pas plus que cela. Car les statistiques démontrent
amplement que même s’il existe des accidents avec les
plantes, leur nombre est largement inférieur aux accidents et
effets secondaires causés par les médicaments. Mais une fois
de plus... le médicament est une entité reconnue et contrôlée
par la science officielle et la plante reste un hors la loi...
d’autant plus dangereux si elle était reconnue plus
largement, car elle causerait d’énormes torts financiers à
certains groupes.
Voici une histoire vraie, très amusante, très scientifique et
très récente concernant le millepertuis qui démontre bien la
valeur et en même temps l’impéritie de la science face à la
plante médicinale.
En général la science considère que
l’effet d’une plante est dû à son composant principal, le
reste de la plante étant assez inutile. La réaction normale du
circuit scientifique est donc que, quand elle découvre une
plante qui a des effets médicinaux, d’en extraire le
composant principal pour en faire un médicament. La même démarche
fut suivie dans le cas du millepertuis. On l’analyse et on découvre
son composant principal, disons l’hypericine, qui a un effet
tranquillisant. La curiosité des savants ne connaissant
heureusement pas de limites, on a également recherché
l’effet du deuxième composant principal du millepertuis,
disons l’hypericine-2. Constatation fantastique, ce composant
a le même effet que le premier. Le bon truc sera donc
d’utiliser les deux composants dans un même extrait pour améliorer
les effets de la formule. Non content de ces premiers résultats,
on découvre également que dans cette plante, il y a un enzyme
qui favorise l’assimilation des deux premiers composants et
qui diminue leurs effets secondaires. Voilà un mélange
merveilleux.
Or il se fait qu’un petit astucieux a voulu
savoir quel serait l’effet d’un extrait de millepertuis, après
qu’on en ait enlevé les deux composants principaux et le
fameux enzyme. Merveille des merveilles : cet extrait a lui
aussi les mêmes vertus que le composant principal... sauf
qu’il présente encore moins d’effets secondaires et qu’il
est impossible de connaître entièrement sa composition...
fantastique pied de nez de ce modeste millepertuis à cette énorme
machine qui est notre science toute-puissante.
Intervention 2
En ce qui concerne les effets secondaires
d’un médicament il faut bien le relativiser (tout comme la
liste que j’ai publiée). Les médicaments n’ont pas nécessairement
et toujours des effets secondaires. Ils sont liés à la formule
du médicament, au dosage, aux combinaisons avec d’autres médicaments
et à la constitution du patient. Voilà un. Numéro deux : les
laboratoires ont l’obligation de mentionner les effets
secondaires. Il faut dire que certains de ceux-ci sont très
occasionnels, voire rares.
Compte tenu des effets secondaires possibles, un médicament est
toujours choisi en fonction de la balance entre le bien qu’il
peut faire et le mal qu’il peut produire. Voilà qui fait
partie de l’art médical du praticien... car (en dehors des
grosses contre-indications) il n’y a rien de plus difficile
que de savoir en quelle mesure un certain médicament sera plus
ou moins toléré par tel ou tel patient.
Le désir sincère de tout laboratoire
pharmaceutique et de tout médecin est en principe d’améliorer
le patient sans lui nuire (je veux encore croire cela, malgré
les affaires de gros sous). Pour arriver à cela on utilise
vraiment de gros moyens et il y a une législation très sévère
qui protège le patient... tant bien que mal. Il reste cependant
quelques couacs!
Le plus gros provient du fait qu’on veut
donner l’impression que la médecine est à 100% scientifique
(il y en a qui en rêvent), alors qu’elle ne peut pas l’être,
parce que l’individu humain n’est pas une éprouvette. Il en
résulte que la formation médicale est un peu déséquilibrée
et que l’aspect scientifique prend bien trop d’importance
par rapport à l’art de guérir. Cela cause d’ailleurs aussi
une certaine forme de mal-vivre chez les médecins, surtout les
jeunes, quand ils commencent à se rendre compte que les
patients ne sont pas des éprouvettes... l’assurance et le
scepticisme indispensable ne venant qu'avec l’expérience.
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