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Xu Dachun : philosophie et déontologie en médecine

De l’impossibilité d’être un médecin célèbre

Etre médecin est sûrement difficile, mais être un médecin célèbre est encore plus difficile. Pourquoi cela ? Un médecin célèbre a une grande réputation. Il n’est pas facile de le faire venir en lui envoyant juste un carton d’invitation ; on doit avoir des moyens suffisants pour qu’il accepte de venir. Et encore, il y a à craindre que ce soit à nous de lui rendre visite plutôt que de le recevoir ; mais il se peut qu’il nous reçoive. Sa résidence doit être éloignée ; il n’est pas possible de partir le matin et d’y arriver déjà le soir-même. Ainsi, des patients qui souffrent de maux mineurs ne vont jamais faire appel à ses services.

Seulement quand la gravité de la maladie est vraiment dangereuse, et quand les médecins à proximité sont totalement impuissants, et quand chacun pense que la situation devient dangereuse, alors on va faire appel à son aide, car quand tout le monde pense que la situation est dangereuse, elle est vraiment dangereuse. La maladie doit aussi avoir duré un certain temps, et le patient doit avoir changé de nombreuses fois de médecin et essayé un grand nombre de substances végétales et minérales. Un traitement erroné a suivi un autre traitement erroné et la nature de la maladie a déjà changé plusieurs fois, et, finalement, une pathologie destructive est apparue.

Mais comment n’importe quel médecin peut-il connaître une technique véritablement capable de relever un mort et le ramener à la vie ? Les patients qui ne comprennent pas les principes de la médecine supposent que si quelqu’un a une telle réputation, c’est qu’il a un pouvoir assez puissant pour changer le cours du destin, et que si un médecin célèbre est  aussi impuissant face à une telle situation désespérée que les autres médecins, qu’est-ce qui le distingue alors des gens ordinaires ? En fait, les patients placent de grands espoirs en lui et le chargent de grandes responsabilités.

Evidemment, s’il y avait un médecin ayant acquis le pouvoir de décider de la vie ou de la mort d’un humain, ils serait très embarrassé d’accepter la tâche qui se présenterait. Si la maladie en question doit aboutir à la mort, il devra s’expliquer sur les raisons de ne pas la traiter. Il déterminera le moment de la mort du patient et ensuite partira immédiatement. Par ce moyen, il évitera tout reproche au sujet de la mort du patient.

Si des conditions pathologiques particulières incluent une chance minime de survie – même s’il s’agit d’une chance sur dix mille – et qu’un médecin n’emploie qu’une formule douce juste pour la forme avec pour effet que le patient n’a pas la possibilité de survivre, cela lui troublera l’esprit. Mais s’il emploie une formule puissante pour se battre dos au mur contre une situation qui ne lui laisse qu’une chance sur dix mille de changer le cours des choses, alors, en cas d’échec, les critiques acerbes vont fondre sur lui comme un essaim d’abeilles, et l’entière responsabilité des résultats des traitements erronés des médecins précédents se reportera sur lui seul. Il aura beau expliquer aussi clairement que possible les motifs de sa prescription, l’être humain fondera toujours son jugement sur la base du succès ou de l’échec. En fait, si le patient meurt avec mes herbes dans sa bouche, je ne pourrai éviter le blâme.

Ainsi, il arrive souvent, après qu’une grave maladie ait été guérie, que la condition du patient soit affectée par la présence d’un pervers rémanent. Dans un tel cas, une attention particulière devrait être apportée à un régime de convalescence. Les patients ignorent ce fait et n’ajustent pas leur mode de vie. La maladie est guérie, mais réapparaît, et de nouveau la faute en incombe au médecin que l’on juge insuffisamment qualifié. Pareille situation se présente souvent. C’est pourquoi traiter une maladie est deux fois plus difficile pour  un médecin célèbre que pour un médecin ordinaire.

Connaissant toutes ces difficultés, un médecin n’est jamais assez prudent. Toutefois, les patients et leur entourage devraient faire preuve de plus de compréhension. De plus, il y a des médecins capables d’obtenir une réputation infondée. Où qu’ils aillent, ils lèsent leurs patients par des traitements erronés. Mais le patient dit : « Si cet homme a traité ma maladie et qu’il ne m’a pas guéri, c’est sûrement le destin. » En fait, ces  médecins tuent leurs patients, mais ils ne sont pas appelés meurtriers. Les personnes qui font cela devraient user de leur habileté dans d’autres techniques que dans la médecine. Leur activité demeure en dehors des circonstances normales.