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Acouphènes et maladie de Ménière : causes et traitements

Dans un précèdent article, nous avons abordé la vision que présentait la médecine chinoise au point de vue des acouphènes. Nous continuons dans la même voie pour le syndrome de Ménière, mettant également en lumière les aspects physiologiques de l’oreille, comme ils sont décrits dans cette médecine millénaire. Disons cependant en guise d’avertissement que ce texte a été volontairement abrégé et simplifié pour permettre au non professionnel d’aborder cette matière difficile.

Introduction

Les oreilles dominent l’ouïe et l’équilibre. Bien qu’elles soient un organe des sens bien localisé, on ne peut pas les séparer du reste du corps. On dit déjà dans un classique ancien, le Ling Shu, que : « les oreilles sont les endroits où les vaisseaux se rassemblent ». Cela veut dire que les oreilles communiquent avec toutes les parties du corps, les vaisseaux correspondant au système des voies de l’énergie. Ne croyons pas que ces voies de l’énergie, qu’on appelle communément les « méridiens », ne soient que des vues de l’esprit. Elles traduisent en effet toutes les liaisons neurologiques, vasculaires et humorales entre les différentes parties du corps. Constatons ici que la médecine chinoise met en lumière certaines relations qui n’ont pas encore été décrites par la médecine occidentale, mais qui se révèlent exactes dans la pratique clinique. Cela veut dire que les changements pathologiques et les dysfonctions d’un grand nombre d’organes et de systèmes, peuvent se répercuter sur l’oreille. Ce principe cadre parfaitement avec la vision holistique de la médecine chinoise, qui pose que le corps de l’homme est un ensemble unique dans lesquelles toutes les parties communiquent continuellement entre elles. Voyons quelques exemples.

Les relations des oreilles avec les autres parties du corps

Suivant la théorie de la médecine chinoise les organes et les méridiens sont les deux systèmes fondamentaux du corps humain, Les organes sont la base de l’activité des fonctions physiologiques et des changements pathologiques, tandis que les méridiens sont les voies de circulation de l’énergie (qui comprend l’énergie, le sang, les liquides, les transmissions nerveuses, etc.) et de la communication entre les organes, les membres, le haut et le bas, la surface et l’interne du corps humain. L’association de ces deux systèmes forme un ensemble organique composé des cinq organes principaux, des six entrailles, des quatre membres, des cent os, des cinq organes des sens, des neuf orifices, de la peau, des chairs, des ligaments et des vaisseaux, etc.

Les oreilles sont un des cinq organes de sens et un des neuf orifices. Elles sont un organe local et une partie de l’ensemble du corps. Comme chaque organe a ses propres fonctions physiologiques et comme chaque méridien a son propre parcours, leur relation avec les oreilles se manifeste différemment selon le cas : mais les changements pathologiques des différents organes et méridiens peuvent tous affecter les oreilles et causer des maladies.

Les organes qui sont le plus directement liés à l’oreille sont les reins, le cœur, le foie, la vésicule biliaire et la rate. Ces termes représentent une difficulté spéciale de compréhension pour le lecteur occidental. Quand on donne en médecine chinoise le nom d’un organe, cela ne correspond pas exactement à l’entité anatomique correspondante, bien qu’elle en fasse souvent partie ; de fait ces noms couvrent des ensembles de fonctions physiologiques, qui dans certains cas ne sont pas du tout liés aux organes anatomiques comme nous les connaissons. Traduisant donc ces termes de façon approximative dans notre langage occidental, le rein est principalement responsable du système hormonal et humoral du corps ; le foie joue un rôle important dans l’équilibre du système nerveux et tout particulièrement dans la faculté d’encaissement de signaux extérieurs délétères d’ordre psychique et émotionnel (comme la frustration, le stress, les émotions fortes). Il participe aux fonctions hormonales et à la circulation sanguine. Le cœur correspond d’une part au système circulatoire et vasculaire et d’autre part au système nerveux central (en quoi il recouvre la plupart des fonctions du cerveau) ; La rate représente l’ensemble du système digestif. Comme la médecine chinoise est une science holistique, elle ne fait pas de différence entre l’organique, l’énergétique et le psychique. Ainsi, considérant un organe, on le conçoit comme un système, qui englobe non seulement certaines parties anatomiques du corps (proches ou distaux), mais aussi un certain nombre d’aspects fonctionnels et psycho-émotionnels.

Ce système est au début difficile à aborder, mais fonctionne bien dans l’approche clinique, qui en prouve la valeur. Revenant à la relation entre les oreilles et les autres parties du corps, le lien le plus intime est celui entre les oreilles et les reins. On considère que c’est parce que l’énergie des reins monte aux oreilles, que celles-ci peuvent entendre. Donc quand l’énergie des reins diminue (par exemple par le vieillissement), l’ouïe diminue. On pourrait ainsi constater que certains médicaments qui sont ototoxiques, peuvent aussi avoir un effet négatif sur les reins.

Le cœur (donc ici le système nerveux central) est celui qui assure la clarté de l’ouïe. Quand le cœur s’affaiblit, celle-ci devient trouble.

Par son contrôle sur la circulation sanguine, le foie joue un rôle important au niveau des fonctions des oreilles. Quand la circulation du sang stagne ou au contraire, quand le sang monte trop fortement ou s’accélère, le foie en est souvent le responsable et ce désordre se répercute sur les oreilles. D’ailleurs quand l’énergie du foie monte trop fort, il y aura des acouphènes et des vertiges. On dit dans ce cas que le foie attaque les oreilles. La vésicule biliaire est importante car sa voie énergétique entre dans l’interne de l’oreille. C’est pour cela que les désordres de cet organe (et du foie qui lui est directement relié) sont tellement souvent responsables des maladies de l’oreille.

La rate (et donc l’ensemble du système digestif) est l’origine première de la qualité de la vie au jour le jour, car toute notre énergie de chaque jour et tout le sang neuf qui est produit à chaque moment dans notre corps, sont déterminés directement par notre système digestif, car c’est lui qui transforme nos aliments et nos boissons de tous les jours en énergie et en sang. Ainsi quand le système digestif fonctionne bien, les oreilles sont bien activées et bien nourries et elles fonctionnent correctement. Mais quand la digestion fonctionne mal, des énergies et des liquides troubles sont produits et en suivant la voie des méridiens, ils peuvent envahir l’oreille et perturber ses fonctions. Quand c’est la faiblesse du système digestif qui domine, l’énergie et le sang seront insuffisants et les oreilles seront insuffisamment nourries, ce qui peut encore influencer leurs fonctions.

Il faut aussi tenir compte su système du poumon. Il ne représente pas uniquement notre système immunitaire, mais c’est lui aussi qui est le premier atteint par toutes sortes d’infections d’origine externe, comme les attaques virales. Quand le poumon est ainsi atteint, ce désordre peut être directement transmis aux oreilles.

En ce qui concerne les relations des oreilles avec les méridiens, elle est unique au sein des cinq organes des sens. Elles sont en effet liées directement ou indirectement à toutes les voies énergétiques du corps humain. Cela veut dire que le désordre local ou distal de n’importe quel méridien peut influencer le fonctionnement des oreilles. D’autre part cela explique aussi pourquoi tant de maladies peuvent être traitées au départ des oreilles. Ainsi les maladies de tous les méridiens et organes peuvent se répercuter sur les oreilles. Et vice-versa, cela explique comment l’acupuncture auriculaire peut traiter tant de maladies différentes par des piqûres dans certaines zones de l’oreille.

Les causes des maladies de l’oreille

Au départ la médecine chinoise considère qu’il existe deux grandes causalités pour toutes les sortes de maladies. La première est l’affaiblissement du corps, qui fait que celui-ci ne peut plus assurer les fonctions physiologiques de façon normale, ce qui va causer des désordres d’origine interne – et qui fait que le corps ne pourra plus se défendre contre les agressions externes (que ce soit le bruit, le stress ou les infections etc). La deuxième cause sont les agressions externes qui sont assez fortes pour perturber le corps, même quand celui-ci est en bonne santé. Cela comprend tout autant les virus et les microbes, que les traumatismes physiques ou sonores, par exemple. Dans le cas des maladies des oreilles, les causes externes les plus courantes sont les infections et les traumatismes. Au point de vue de la causalité interne, il s’agit surtout des dérèglements du rein, du foie, de la vésicule biliaire, du cœur et de la rate (significations voir plus haut).

Les causes du syndrome de Ménière

Elles rejoignent évidemment les causes générales des maladies de l’oreille, mais sont plus spécialisées, en raison de la spécificité du trouble de l’équilibre.

Une première cause courante est le surmenage et le vieillissement. Elles correspondent au fait que le vertige auriculaire apparaît souvent chez les vieilles personnes ou chez des plus jeunes après une longue période d’intense travail intellectuel, souvent assorti de stress et de tension. C’est en somme une sorte d’épuisement nerveux assez avancé. Comme ce mécanisme est lié aux fonctions du rein suivant la médecine chinoise, celui-ci n’assure plus un contrôle suffisant des liquides organiques, de sorte que ceux-ci s’accumulent dans l’oreille interne et perturbent ses fonctions. Ce type de désordre demande en général de longs traitements.

Une autre forme de surmenage, qui peut être consécutif à une période de surmenage physique ou de difficultés émotionnelles (dont on dit en médecine chinoise qu’elles épuisent l’énergie et le sang), peut engendrer une insuffisance de l’activation de l’interne de l’oreille, se sorte que les liquides n’y circulent plus convenablement et y stagnent. Bien qu’il s’agisse aussi d’un affaiblissement, il peut être plus rapide à compenser et le pronostic du traitement s’établira sur une durée plus courte (bien qu’il soit encore dépendant de la gravité de la faiblesse).

La cause la plus commune du vertige est sans doute ce qu’on appelle l’attaque de l’eau. A la base nous avons ici une accumulation de liquides dont l’origine se trouve dans l’estomac. L’eau s’accumule donc d’abord dans le système digestif. Dans un certain nombre de cas, la cause première est la « malbouffe », de plus en plus fréquente dans ce pays qui a une des meilleures cuisines au monde. Mais il n’y a pas que cela. En fait toute influence qui peut perturber le fonctionnement du système digestif, peut entraîner un affaiblissement de la gestion des liquides et une accumulation de liquides à ce niveau. Avec le temps cette accumulation s’aggrave et sous l’un ou l’autre stimulus, l’eau est mise en mouvement et attaque l’oreille, avec le tableau aigu d’une crise de vertige que l’on connaît. Notons qu’ici, les symptômes de la nausée et du vomissement, tout comme la sensation de tournis universel sont particulièrement graves. Malgré la violence des symptômes, c’est un des types les plus faciles à traiter et les résultats peuvent être stabilisés, pour autant que le patient y mette du sien pour régler son mode de vie, y compris son alimentation.

Il existe un autre mécanisme, très similaire, mais dans lequel les liquides se concentrent et deviennent une espèce de mucus glaireux, qui est bien plus difficile à éliminer. Mais le pronostic reste bon.

La dernière des grandes causes est celle qu’on appelle le plus souvent psychosomatique. À la suite d’émotions fortes ou de vécus déplaisants, frustrants et de longue durée, l’énergie se bloque lentement, mais sûrement dans le corps. Finalement la pression devient trop forte et c’est l’explosion nerveuse, qui provoque une sorte de court-circuit au niveau des oreilles (et du cerveau). L’attaque peut être très violente. Elle se manifeste aussi puissamment au niveau du système digestif. Mais on peut assez facilement mettre en exergue l’origine émotionnelle. Le pronostic est toujours très bon, pour autant que le patient puisse apprendre à ordonner son vécu émotionnel, ce qui est parfois difficile quand il baigne dans des circonstances incontournables, comme par exemple une environnement professionnel trop stressant ou frustrant, une relation peu satisfaisante dont on ne peut pas sortir, etc.

Les complications

Dans la pratique clinique réelle, on rencontre rarement des cas simples. Très souvent les causes sont complexes. De plus, en occident il est rare de voir un patient en « première intention ». Il se présente le plus souvent dans une situation de chronicité. Constatons que même si au début, la maladie n’était en aucune sorte psychosomatique, le fait qu’elle deviennent chronique induit un état dépressif et souvent le corps est encore plus désordonné et affaibli par des traitements médicamenteux qui dans un certain cas restent non seulement sans effets, mais en plus causent des effets secondaires et lèsent encore plus les organes qui sont relatés à la formation de la maladie. Constatons que ce syndrome est souvent accompagné ou précédé d’un trouble qu’on appelle en médecine chinoise : « la distension ou le blocage de l’oreille ». À son début il est souvent causé par un rhume qui, mal soigné, se répercute sur l’oreille et induit une perturbation dans la gestion liquidienne locale. Dans le même tableau nous retrouvons les productions catarrhales d’origine allergique, qui ont une pathogénie similaire. En termes de médecine occidentale, on parlera souvent d’otite sérieuse. Au début il s’agit d’un problème simplement local, facile à soigner, mais qui avec le temps est transmis aux organes internes, ce qui cause de nombreuses complications.

Signalons finalement que toute perturbation d’une voie énergétique aboutissant à l’oreille, peut influencer la circulation de l’énergie, du sang et des liquides dans l’oreille interne et aboutir à la formation d’un syndrome de Ménière. C’est ce qui fait la difficulté du diagnostic et du traitement.

Dans de nombreux cas, la cause de début est assez simple. Mais comme elle est fonctionnelle la médecine occidentale ne peut pas bien la diagnostiquer et les traitements restent sans effet. Ici la médecine chinoise présente quelque avantage, qui se manifeste très bien en Chine, car un plus grand nombre de patients y consulte en médecine chinoise au début de la maladie. Le plus souvent en occident, le patient ne consulte que quand la cause s’est parfaitement intériorisée, ce qui cause un terrain de maladie plus compliqué et exige un traitement plus long

Les moyens de traitement

Le syndrome de Ménière est principalement traité par l’acupuncture et la phytothérapie. Ses compléments, utiles ou indispensables suivant le cas, sont la diététique et le tuina (physiothérapie/chiropraxie/ostéopathie). Certains cas nécessiteront un recours complémentaire à la psychothérapie.

Les résultats

Il sera sans doute choquant pour l’occidental de constater que les effets du traitement du syndrome de Ménière en Médecine Chinoise sont franchement bons, alors qu’ils sont souvent décevants en médecine occidentale et qu’en plus, les traitements sont libres d’effets secondaires, pour autant qu’ils sont prescrits par un vrai médecin en médecine chinoise et non par un dilettante qui a appris à piquer quelques aiguilles en quelques week-ends ou qui choisit ses formules d’herbes dans un livre de référence, sans avoir eu de formation académique spécialisée en la matière.

Voici un petit aperçu de statistiques médicales enregistrées en Chine :

Étude 1 : 86 cas, 58 guéris, 20 bonnes améliorations, 4 légères améliorations, 4 sans effet (1972)

Étude 2 : 30 cas, 24 guérisons (1985)

Étude 3 : 102 cas, 90 guérisons (1982)

Étude 4 : 60 cas, tous efficaces, dont 30 ont eu une récidive pendant une période entre un et cinq ans après le traitement, la récidive étant rapidement contrôlée par une prise d’herbes temporaire. (1986)

Nous ne disposions pas de chiffres similaires pour l’acupuncture au moment de rédiger cet article, mais de nombreux témoignages de praticiens occidentaux, notés dans des articles consacrés au traitement acupunctural de cette maladie, font état d’excellents résultats (y compris en auriculothérapie).

Dans la pratique

À quoi un patient peut-il s’attendre dans la pratique ? Dans la plupart des cas, les vertiges seront sous contrôle après une à trois sessions d’acupuncture. Puis pour la guérison, cela peut prendre de 3 à 12 mois ou plus, dépendant de la complication et de la chronicité de la maladie. Des patients ayant subi des interventions chirurgicales locales réagiront toujours moins bien et l’effet thérapeutique global sera souvent moins satisfaisant. En ce qui concerne l’acupuncture, les traitements seront assez fréquents en début de crise (deux ou trois traitements par semaine). Dès que la crise est stabilisée, la fréquence descendra vers une session par semaine et au fur et à mesure des améliorations, elle diminuera jusqu’à l’arrêt du traitement.

Suivant le type de syndrome, le patient devra craindre une rechute s’il ne respecte pas les conditions d’hygiène de vie physique et mentale qui lui seront conseillées par son médecin. La rechute signifie que soit le traitement a été interrompu trop tôt, soit que le patient ait subi des circonstances négatives ou n’ait pas suivi les conseils de son praticien. Notons donc que deux cas sur trois peuvent être en principe guéris. D’autre part l’échec d’un traitement n’est pas nécessairement à imputer au patient. Il arrive aussi que le praticien n’ait pas la formation nécessaire pour mener ce type de traitement. Puis, malheureusement, il y a des maladies qui semblent insensibles à tout traitement. Le patient fait donc bien de se renseigner avant d’entamer un traitement en médecine chinoise.